lundi 14 décembre 2009

Les économistes nouveaux sont arrivés !


On connaît le magazine « Le Nouvel économiste » mais connaît–on les nouveaux économistes ?

Qui a assisté à la conférence d’Elyes Jouini aura découvert une nouvelle génération d’économistes : ceux qui construisent des modèles mathématiques mais qui les tempèrent en y intégrant les facteurs humains. Ainsi, Elyes Jouini qui est en charge de la chaire Groupama de la fondation du Risque à Dauphine « Les particuliers face aux risques », analyse comment les comportements des agents économiques – vous et moi - ne sont pas toujours conformes à la théorie économique classique selon laquelle nos choix économiques sont censés optimiser notre bien-être. Ce bien-être est calculé avec une fonction d'utilité qui prend en compte les revenus et les temps de loisir.

La théorie néo-classique fait de ce concept de "rationalité" une hypothèse centrale du modèle d'équilibre général. La crise actuelle a démontré combien les modèles avaient sinon tous failli, du moins révélé leurs limites. Non seulement dans le domaine de la prévision mais encore et surtout de la sécurité et du partage des risques. En effet le cercle le plus vertueux s’inverse facilement en cercle vicieux dès lors que les comportements sont moutonniers et cèdent à la panique. Et que le bon sens abdique devant la complexité de produits très sophistiqués dont tout le monde a oublié la base fragile : ils s’appuient sur des prêts « NINJA » (No INcome, no Job, no Asset). La sagesse antique le savait depuis longtemps qui disait « summa ratio, summa irratio » …

Cette nouvelle vague comprend d’autres talents nouveaux comme David Thesmar, auteur du « Grand Méchant Marché », Prix du meilleur jeune économiste en 2007. Cet X–INSEE, professeur associé à HEC, a quitté le monde abstrait des statistiques pour étudier, à la charnière du macro et du micro–économique, la façon dont les phénomènes économiques modifient directement le comportement des acteurs de l’entreprise.

Ce n’est pas un hasard si les recherches de ces jeunes rejoignent ceux de grands anciens considérés jusqu’alors comme plus ou moins marginaux : Stieglitz, Krugman, les théoriciens des opacités et dysfonctionnements des marchés et les derniers « Nobel » d’économie : Elinor Ostrom, 76 ans et Oliver Williamson, 77 ans !

Elinor Ostrom « a remis en cause l’idée classique selon laquelle la propriété commune de l’eau ou de la forêt est mal gérée et doit être prise en main par les autorités publiques et le marché ».

Oliver Williamson a théorisé le rôle de l’entreprise comme élément central de l’activité économique : modèle économique qui facilite la gestion des conflits et réduit les coûts grâce à la hiérarchie, mieux que les marchés où prédominent souvent négociations, désaccords et … bulles irrationnelles !

Enfin dans un tout autre domaine, une nouvelle discipline est en train de naître, la neuro-économie à partir des dernières recherches sur l’imagerie médicale du cerveau. On demande à un sujet de l’expérience de faire un choix. On observe au scanner les zones du cerveau activées. On constate alors que l’agent devient l’objet de conflits entre plusieurs zones, cerveau reptilien contre néocortex, traduisant des conflits de rationalité entre, par exemple, son intérêt à court et long terme. « Je » est donc un autre et même plusieurs. Nos choix sont en eux–mêmes l’objet d’arbitrage qui ne sont pas nécessairement les plus rationnels et les plus utiles.

Gageons que cette nouvelle école, plus soucieuse de concret, d’efficacité et d’expérimentation, tel un bon vin nouveau, se bonifiera encore avec l’âge et aura au moins appris à se débarrasser du dominant dogmatisme - de droite ou de gauche – de ses aînés !

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