lundi 23 novembre 2009

Après la crise, les crises ?

Barack Obama a lancé mercredi un cri d'alarme qui a surpris les commentateurs : la croissance américaine repart à 3,5%, chiffre mirifique comparé à notre petit 0,3% trimestriel (0,4% pour la zone euro), mais avec un taux de chômage "à la française" dépassant 10% (du jamais vu depuis 26 ans aux Etats Unis). L'endettement excessif et la hausse des déficits, a-t-il déclaré à Fox News, risquent, s'ils ne sont pas maîtrisés, de déboucher sur une nouvelle récession. Il a donc mis en garde contre un risque de rechute. Le Président américain a dit ainsi tout haut ce que beaucoup d'hommes politiques n'osaient exprimer mais que de nombreux spécialistes pensaient tout bas !

En effet les experts depuis plusieurs mois discutent de savoir si la courbe future de l'économie sera en L, V, en W, ou en racine carrée. Expliquons : si la reprise n'a pas lieu, si l'économie stagne, c'est le scénario en L. Ce dernier est aujourd'hui abandonné au vu du redémarrage qui est plus précoce que prévu, comme le déclare au Monde J-C Trichet. Si la reprise reste forte, le scénario sera celui d'une croissance en V. Peu y croient. Les Allemands ont inventé le scénario en W : l'économie repart pour rechuter aussi lourdement et repartir ensuite. C'est le schéma en W que semble valider Obama pour mieux le conjurer. Certains encore plus pessimistes spéculent que l'économie redémarre pour mieux s'arrêter à un palier et stagner. C'est le modèle en forme de racine carrée !

Les propos de Barack Obama semblent lénifiants si on les comparent aux prévisions pessimistes de Jacques Attali dont le dernier livre paru en octobre s'intitule : "Survivre aux crises".

En effet nouvelle Cassandre, il prophétise bien d'autres crises économiques successives dues à l'insuffisance de fonds propres des entreprises, à l'explosion de la "bulle" chinoise, à la tentation protectionniste, à l'hyperinflation, à l'effondrement du dollar ou la faillite de la FED ! Et comme les crises sont cumulatives, il y rajoute la possibilité de crise énergétique due au "Oil peak", le manque de ressources naturelles, le réchauffement climatique qui pourra s'accompagner de pandémies incontrôlables et de crise de la santé et de l'éducation. Bref il annoncerait pour peu les chevaliers de l'Apocalypse : peste, famine et guerre !

Il faut savoir raison garder. Le pire n'est pas toujours sûr. Mais une chose est certaine : comme le disait le président de la BFCE, la crise a déjoué de semaine en semaine toutes les analyses et les projections des modèles de prévision économique les plus éprouvés !!!

Telle est bien la caractéristique des crises systémiques modernes comme nous l'a trés bien expliqué Xavier Guilhou, le grand manitou des situations de crise : elles déjouent tous les scénarii, y compris les plus pessimistes !

mardi 17 novembre 2009

La flamme, la Chancelière et la reprise


Les clignotants sont au vert : après le redressement de la bourse (le CAC40 est arrivé à plus de 3 200 points) et contrairement aux scenari les plus pessimistes, le 3ème trimestre voit la fin de la récession, avec une croissance du PIB de 0,3% selon l’INSEE. On assiste là au plein effet conjugué des plans de relance keynésiens qui ont maintenu la consommation des ménages et des politiques de déstockage des entreprises. Mais cette reprise reste fragile. Que deviendra–t-elle lorsque les conséquences de ces plans se seront évaporées ? Pour ne prendre qu’un exemple, que se passera–t-il lorsque la prime à la casse cessera de soutenir la demande en auto ? Car les fondamentaux ne sont pas rétablis : la production industrielle a rechuté en septembre. Les entreprises réduisent leurs investissements de 29%.Et on prévoit que le taux de chômage, toujours en décalage, dépassera 10% en 2010. Selon l’OCDE, le redressement de l’emploi sera «beaucoup plus long que celui de la production»…

Face à ces incertitudes, la Commission se rappelle qu’il existe un traité de Maastricht et demande au gouvernement de ramener le déficit public de 8,2% du PIB à moins de 3% en 2013. Or réduire les dépenses publiques drastiquement par une politique budgétaire restrictive ou par un alourdissement fiscal compromettrait sûrement la reprise balbutiante. D’où l’importance de la réforme actuelle sur la taxe professionnelle.

En gros, la France dépense 20% de plus que ce qu’elle gagne. Si on continue, en 2014, son endettement qui est de 70% de son PIB, sera de 95% ! Pour réduire le déficit et la dette dont le montant des intérêts annuels «pompent» à lui seul le total de l’Impôt sur le Revenu, il faut une croissance du PIB de 2,5% par an.

Seule une politique économique habile y parviendra. Or cette politique suppose de renoncer parallèlement aux réformes puisque toute réforme importante en France entraîne automatiquement grèves et blocages. On l’a bien vu avec les réformes Juppé qui ont bloqué la croissance.

Quadrature du cercle !

En réalité la sagesse (et la Commission !) commanderait d’imiter l’Allemagne :
1) les politiques économiques et fiscales harmonisées auraient une efficacité renforcée
2) Le résultat serait conforme aux attentes de la Commission et de la BCE puisque comme le dit Jean-Marc Daniel : l’Allemagne n’a pas donné la Bundesbank à l’Europe mais l’Europe à la Bundesbank…
3) Enfin, la RFA montre l’exemple puisqu’elle dépasse le dilemme – réduction, maintien ou accroissement de la dépense par l’endettement pour soutenir la croissance - par le biais des exportations et réussit à améliorer ses capacités en dépit d’un euro très élevé…

La France n’a de mot à la bouche que l’entente franco allemande. Toutefois au lieu de n’envisager que l’aspect politique, historique ou militaire (Madame Merkel ranimant la flamme), si on faisait vraiment de la coopération de politique économique ? On en est loin puisque celles-ci sont aux antipodes : grand emprunt de la grande nation versus réduction des impôts. Après tout, l’Europe a bien commence comme cela par le primat de l’économie. Depuis l’euro, en a–t-on tiré toutes conséquences ?

Que les politiques sociales, culturelles gardent leur indépendance, que nous ranimions notre flamme tout seuls mais que nous ne pensions pas faire la relance dans notre coin ! Nous ne ranimerons pas la flamme de l’économie mondialisée avec nos seules allumettes auto combustibles !

mardi 10 novembre 2009

Plancher collant, plafond et parois de verre : l'égalité Homme-Femme dans l'entreprise


L'expression d'origine américaine de "plafond de verre" est bien connue. Rappelons qu'il s'agit de freins "invisibles" d'origine culturelle qui bloquent l'accès des femmes aux postes supérieurs de direction. Selon l'INSEE, en 2008, les Conseils d'administration du CAC 40 sont composés de 10 % d'administratrices. Cette infériorité est assez générale dans les organisations avec des variations d'amplitude : les femmes représentent 14 % des organisations patronales (même si une femme est à la tête de MEDEF : c’est l'arbre cache la forêt !), 36 % dans les organisations syndicales, 35 % dans les institutions représentatives du personnel, et aux Prud'hommes, 25 % du collège employeurs et 32 % du collège salariés...

Ce phénomène n'est pas évidemment propre à la France et se retrouve dans tous les pays avec des variantes : ainsi les Allemandes font d'avantage carrière que les Françaises mais font peu d'enfants tandis que les Française concilient enfants et carrière jusqu'à un certain niveau, le fameux "plafond de verre". La Norvège a pris sur ce plan une position radicale en imposant en 2008 aux entreprises d'avoir à féminiser 40 % de leur CA sous peine de devoir fermer !

Avant le plafond, les femmes se heurtent aux "parois de verre" qui pour des raisons liées elles aussi aux mentalités, limitent encore plus l'évolution de leur carrière : 41 % des cadres administratifs et commerciaux sont des femmes ; seulement 18 % des ingénieurs et des cadres techniques. Elles ont un accès plus limité à la formation professionnelle (32% contre 45% pour les hommes). Elles se retrouvent davantage dans les métiers fonctionnels et non opérationnels : RH, communication, ... De plus, quand un métier devient exclusivement féminin, ces emplois se trouvent souvent dévalorisés. D'ailleurs les emplois féminins restent concentrés dans 10 familles professionnelles (secrétariat, enseignement, santé...).

Plus gênant encore est le handicap de départ que les québécoises appellent "le plancher collant" due aux inégalités économiques : les femmes sont d'avantage à temps partiel (31% contre... 6% pour les hommes !). De fait, elles connaissent une précarité plus grande : 20 % sont au SMIC contre 11 % ; 2/3 des emplois à bas salaires sont occupés par elles ; 60 % des femmes qui travaillent ont un emploi non qualifié tandis que l'écart moyen des rémunérations est de l'ordre de 27 %. Selon une étude de la Croix rouge, les "nouveaux pauvres" sont essentiellement des pauvresses c’est-à-dire des femmes seules avec un enfant…

Le constat est décourageant ? Pas tant que ça ! De dernières études économiques montrent que plus les femmes progressent dans l'entreprise, plus les entreprises sont performantes (1). La diversité est un atout compétitif. Surtout, le travail en cessant d'être physique et se dématérialisant avec les services, cesse de donner avantage par nature aux hommes. Enfin, les jeunes générations réclament un nouvel équilibre vie privée-vie professionnelle. Or sur ce plan, les femmes ont toujours joué un rôle pionnier. Le travail se "féminise" donc même sans les femmes. En conclusion, pour paraphraser Aragon, la femme est-elle en train de l'avenir de l'homme... au travail ?!


(1) CERAM Michel Ferrary