mardi 13 octobre 2009

La taxe Carbone, l'argent contre l'absenteïsme à l'école et la crèche d'Haïfa.


Jean Marc Daniel, directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, professeur d'économie à ESCP-Europe, qui donnera une conférence à l'Université Groupama le 23 novembre sur la sortie de crise, fut un des premiers à être sceptique sur l'efficacité de la taxe Carbone. Il explique pourquoi grâce à la "parabole de la crèche de Haïfa", une histoire vraie :

A Haïfa, le maire et le responsable syndical se détestent cordialement, bien que du même parti ou sans doute à cause de cela. La mairie a créé une crèche que le responsable syndical va s'employer à utiliser comme arme contre la mairie.
Alors que les parents doivent venir chercher leurs enfants le soir avant 17h, le personnel se plaint de ce que, certains jours, un ou deux parents se présentent avec dix ou quinze minutes de retard.
Le maire, pour éviter que ce phénomène ne prenne de l’ampleur, fait distribuer un court texte rappelant que la ponctualité fait partie des éléments constitutifs de la vie en société. Et de fait, le nombre de retard se réduit.
Mais le personnel continue à se plaindre de deux ou trois irréductibles.
Le maire décide de prendre le taureau par les cornes et arrête que les parents paieront une amende selon un barème progressif par heure de retard. Toucher au portefeuille devrait être selon lui un moyen suffisamment dissuasif.
Le résultat obtenu fut exactement le contraire de celui qui était attendu : la crèche fut pleine jusqu'à des heures indues ! En fait, les parents ont jugé que payer l'amende leur coûterait moins cher que d'avoir à garder les enfants à la maison. En plus, payer l'amende leur donne bonne conscience et justifie leur incivisme : puisqu'ils paient, la municipalité peut bien étendre les plages horaires de la crèche...

De même, dit Jean Marc Daniel, le pollueur poussé à une certaine discipline par sa prise de conscience des problèmes de l’environnement, se trouve libéré de toute contrainte morale dès lors qu’il devient payeur sur la base d’une évaluation faite par l’Etat. La taxe écologique gomme la référence citoyenne et annihile la prise de responsabilité éthique. Pour les économistes, les bonnes intentions fiscales se retournent souvent contre ceux qui les usent et en abusent.

On peut étendre le même raisonnement au projet de Martin Hirsch de prime d'assiduité scolaire (1). On a alors un syndrome de la "crèche d'Haïfa" inversée : en choisissant de verser une prime (et non de supprimer les allocations familiales ou de faire payer une amende (2) !) pour lutter contre l'absentéisme à l'école, on peut obtenir tout aussi sûrement le même effet contraire à celui espéré : en l'absence de toute contrainte de résultat scolaire et de toute sanction effective, beaucoup risquent de jouer une variante de la crèche d'Haïfa scénarisée par Woody Allen : "Prends l'oseille et tires-toi !" Amende = crèche pleine et Allocation = école vide ?
Pas plus qu'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait pas de bonne politique économique !

(1) 3 lycées professionnels de l'Académie de Créteil octroient une allocation destinée à financer des projets éducatifs versée sous condition d'assiduité aux cours. Rappelons aussi que la prime d'assiduité existe encore dans certaines entreprises et a été supprimée il y a quelques années à Groupama !
(2) En 2002, la lutte contre l’absentéisme est inscrite parmi les objectifs de la loi sur la sécurité intérieure. Le principe de la suspension des allocations familiales est supprimé. au profit d’une amende de 4e classe (750 €) afin de sanctionner plus sévèrement le non respect de l’obligation scolaire. On serait curieux de connaître combien d'amendes ont été infligées et quel est l'impact de cette disposition apparemment toujours valide.

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